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était en mer au mois de janvier, et que la bise était glacée. Impossible de se loger dans la cabine, beaucoup trop étroite et d’ailleurs encombrée de bagages et de ballots. Les bagages appartenaient aux passagers, et les ballots à l’équipage, car l’ourque n’était point un navire de plaisance et faisait la contrebande. Les passagers durent s’établir sur le pont ; résignation facile à ces nomades. Les habitudes du plein air rendent aisés aux vagabonds les arrangements de nuit ; la belle étoile est de leurs amies ; et le froid les aide à dormir, à mourir quelquefois.

Cette nuit-là, du reste, on vient de le voir, la belle étoile était absente.

Le languedocien et le génois, en attendant le souper, se pelotonnèrent près des femmes, au pied du mât, sous des prélarts que les matelots leur jetèrent.

Le vieux chauve resta debout à l’avant, immobile et comme insensible au froid.

Le patron de l’ourque, de la barre où il était, fit une sorte d’appel guttural assez semblable à l’interjection de l’oiseau qu’on appelle en Amérique l’Exclamateur ; à ce cri le chef de la bande