Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme le jour que faisait cette double blancheur. Certains éclairages de la nuit ont des duretés très nettes ; la mer était de l’acier, les falaises étaient de l’ébène. De la hauteur où était l’enfant, la baie de Portland apparaissait presque en carte géographique, blafarde dans son demi-cercle de collines ; il y avait du rêve dans ce paysage nocturne ; une rondeur pâle engagée dans un croissant obscur, la lune offre quelquefois cet aspect. D’un cap à l’autre, dans toute cette côte, on n’apercevait pas un seul scintillement indiquant un foyer allumé, une fenêtre éclairée, une maison vivante. Absence de lumière sur la terre comme au ciel ; pas une lampe en bas, pas un astre en haut. Les larges aplanissements des flots dans le golfe avaient çà et là des soulèvements subits. Le vent dérangeait et fronçait cette nappe. L’ourque était encore visible dans la baie, fuyant.

C’était un triangle noir qui glissait sur cette lividité.

Au loin, confusément, les étendues d’eau remuaient dans le clair-obscur sinistre de l’immensité.