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En apparence, ayant sur lui la nuit barbare,
Quand l’homme est un esquif dont Satan prend la barre,
Il est certain que l’âme humaine est au cachot,
Et qu’on a dérangé quelque chose là-haut.
C’est pourquoi je demande à l’ombre la parole.
Je ne suis pas de ceux dont la fierté s’envole,
Et qui, pour avoir vu régner des ruffians
Et des gueux, cessent d’être à leur droit confiants ;
Je lave ma sandale et je poursuis ma route ;
Personne n’a jamais vu mon âme en déroute ;
Je ne me trouble point parce qu’en ses reflux
Le vil destin sur nous jette un Rosbach de plus ;
La défaite me fait songer à la victoire ;
J’ai l’obstination de l’altière mémoire ;
Notre linceul toujours eut la vie en ses plis ;
Quand je lis Waterloo, je prononce Austerlitz.
Le deuil donne un peu plus de hauteur à ma tête.
Mais ce n’est pas assez, je veux qu’on soit honnête
Là-haut, et je veux voir ce que les destins font
Chez eux, dans la forêt du mystère profond,
Car ce qu’ils font chez eux, c’est chez nous qu’on le souffre.
Je prétends regarder face à face le gouffre.
Je sais que l’ombre doit rendre compte aux esprits.
Je désire savoir pourquoi l’on nous a pris
Nos villes, notre armée, et notre force utile ;
Et pourquoi l’on filoute et pourquoi l’on mutile
L’immense peuple aimant d’où sortent les clartés ;
Je veux savoir le fond de nos calamités,