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Dogme et livre, et Voltaire aussi bien que Jésus,
Puisqu’un reître allemand met sa botte dessus ! —

Toi dont le gibet jette au monde qui commence,
Comme au monde qui va finir, une ombre immense,
John Brown, toi qui donnas aux peuples la leçon
D’un autre Golgotha sur un autre horizon,
Spectre, défais le nœud de ton cou, viens, ô juste,
Viens et fouette cet homme avec ta corde auguste !
C’est grâce à lui qu’un jour l’histoire en deuil dira :
— La France secourut l’Amérique, et tira
L’épée, et prodigua tout pour sa délivrance,
Et, peuples, l’Amérique a poignardé la France ! —
Que le sauvage, fait pour guetter et ramper,
Que le huron, orné de couteaux à scalper,
Contemplent ce grand chef sanglant, le roi de Prusse,
Certes, que le Peau-Rouge admire le Borusse,
C’est tout simple ; il le voit aux brigandages prêt,
Fauve, atroce, et ce bois comprend cette forêt ;
Mais que l’homme incarnant le droit devant l’Europe,
L’homme que de rayons Colombie enveloppe,
L’homme en qui tout un monde héroïque est vivant,
Que cet homme se jette à plat ventre devant
L’affreux sceptre de fer des vieux âges funèbres,
Qu’il te donne, à Paris, le soufflet des ténèbres,
Qu’il livre sa patrie auguste à l’empereur,
Qu’il la mêle aux tyrans, aux meurtres, à l’horreur,