Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

S’il s’agit de ce Tout vertigineux des êtres
Qui parle par la voix des éléments, sans prêtres,
Sans bibles, point charnel et point officiel,
Qui pour livre a l’abîme et pour temple le ciel,
Loi, Vie, Ame, invisible à force d’être énorme,
Impalpable à ce point qu’en dehors de la forme
Des choses que dissipe un souffle aérien,
On l’aperçoit dans tout sans le saisir dans rien ;
S’il s’agit du suprême Immuable, solstice
De la raison, du droit, du bien, de la justice,
En équilibre avec l’infini, maintenant,
Autrefois, aujourd’hui, demain, toujours, donnant
Aux soleils la durée, aux cœurs la patience,
Qui, clarté hors de nous, est en nous conscience ;
Si c’est de ce Dieu-là qu’il s’agit, de celui
Qui toujours dans l’aurore et dans la tombe a lui,
Étant ce qui commence et ce qui recommence ;
S’il s’agit du principe éternel, simple, immense,
Qui pense puisqu’il est, qui de tout est le lieu,
Et que, faute d’un nom plus grand, j’appelle Dieu,
Alors tout change, alors nos esprits se retournent,
Le tien vers la nuit, gouffre et cloaque où séjournent
Les rires, les néants, sinistre vision,
Et le mien vers le jour, sainte affirmation,
Hymne, éblouissement de mon âme enchantée ;
Et c’est moi le croyant, prêtre, et c’est toi l’athée.