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Le réel suinterait par d’affreuses fêlures ;
Les comètes viendraient tordre leurs chevelures ;
L’air dirait : Il me livre aux souffles pluvieux !
Le ver dirait à l’astre : Il est ton envieux,
Et, pour t’humilier, il nous fait tous deux luire !
L’écueil dirait : C’est lui qui m’ordonne de nuire !
La mer dirait : Mon fiel, c’est lui. J’en fais l’aveu !
Et l’univers serait le pilori de Dieu !

                          *

Ah ! la réalité, c’est un paiement sublime,
Je suis le créancier tranquille de l’abîme ;
Mon œil ouvert d’avance attend les grands réveils.
Non, je ne doute pas du gouffre des soleils !
Moi croire vide l’ombre où je vois l’astre éclore !
Quoi, le grand azur noir, quoi, le puits de l’aurore
Serait sans loyauté, promettrait sans tenir !
Non, d’où sort le matin sortira l’avenir.
La nature s’engage envers la destinée ;
L’aube est une parole éternelle donnée.
Les ténèbres là-haut éclipsent les rayons ;
C’est dans la nuit qu’errants et pensifs, nous croyons ;
Le ciel est trouble, obscur, mystérieux ; qu’importe !
Rien de juste ne frappe en vain à cette porte.
La plainte est un vain cri, le mal est un mot creux ;