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Que le matin sortît des mers, semant des pluies
De diamants aux fleurs vaguement éblouies,
Et que l’oiseau chantât, et que le monde fût,
Si le destin n’était qu’un chasseur à l’affût,
Si tout l’effort de l’homme enfantait la chimère,
Si l’ombre était sa fille et la cendre sa mère,
S’il ramait nuit et jour, voulant, saignant, créant,
Pour une épouvantable arrivée au néant !
Non, je ne consens pas à cette banqueroute.
Zéro somme de tout ! Rien au bout de la route !
Non, l’Infini n’est point capable de cela.
Quoi, pour berceau Charybde et pour tombeau Scylla ?
Non, Paris, grand lutteur, France, grande vedette,
En faisant ton devoir, tu fais à Dieu sa dette.
Debout ! combats !

Je sais que Dieu semble incertain
Vu par la claire-voie affreuse du destin.
Ce Dieu, je le redis, a souvent dans les âges
Subi le hochement de tête des vieux sages,
Je sais que l’Inconnu ne répond à l’appel
Ni du calcul morose et lourd, ni du scalpel ;
Soit. Mais j’ai foi. La foi, c’est la lumière haute.
Ma conscience en moi, c’est Dieu que j’ai pour hôte.
Je puis, par un faux cercle, avec un faux compas,
Le mettre hors du ciel ; mais hors de moi, non pas.
Il est mon gouvernail dans l’écume où je vogue.
Si j’écoute mon cœur, j’entends un dialogue.