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On craint pour toi, cité de l’Europe future.
Quelle ruine, hélas ! quel aspect de cercueil !
Et quelle ressemblance avec l’éternel deuil !
Le plus ferme frissonne ; on pleure, on tremble, on doute ;
Mais si, penché sur toi, du dehors on écoute,
En cette ombre murée où ne luit nul flambeau,
En cette obscurité de gouffre et de tombeau,
On entend vaguement le chant d’une âme immense.
C’est quelque chose d’âpre et de grand qui commence.
C’est le siècle nouveau qui de la brume sort.

Tous nos pas ici-bas sont nocturnes, d’accord.
Hommes du passé, certe, il est vrai que la vie,
Malgré notre labeur et malgré notre envie,
Est terrestre et ne peut être divine avant
Que l’homme aille au grand ciel trouver le grand vivant.
La mort sera toujours la haute délivrance.
Le ciel a le bonheur, la terre a l’espérance
Rien de plus ; mais l’espoir croissant, mais les regrets
S’effaçant, mais notre œil s’ouvrant, c’est le progrès.
Tel atome est un astre ; il luit. Nous voyons poindre
Le bien-être plus grand dans la misère moindre ;
Et vous, vous savourez la morne obscurité.
Vous aimez la noirceur jusqu’à la cécité ;
Et votre rêve affreux serait d’aveugler l’âme.
Le suaire est pour nous piqué de trous de flamme ;
Qu’importe le zénith sombre si nous voyons
Des constellations se lever, des rayons