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L'année terrible.


III

Quand la comète tombe au puits des nuits, du moins
A-t-elle en s’éteignant les soleils pour témoins
Satan précipité demeure grandiose ;
Son écrasement garde un air d’apothéose ;
Et sur un fier destin, farouche vision,
La haute catastrophe est un dernier rayon.
Bonaparte jadis était tombé ; son crime,
Immense, n’avait pas déshonoré l’abîme ;
Dieu l’avait rejeté, mais sur ce grand rejet
Quelque chose de vaste et d’altier surnageait ;
Le côté de clarté cachait le côté d’ombre ;
De sorte que la gloire aimait cet homme sombre,
Et que la conscience humaine avait un fond
De doute sur le mal que les colosses font.

Il est mauvais qu’on mette un crime dans un temple,
Et Dieu vit qu’il fallait recommencer l’exemple.

Lorsqu’un titan larron a gravi les sommets,
Tout voleur l’y veut suivre ; or il faut désormais
Que Sbrigani ne puisse imiter Prométhée ;
Il est temps que la terre apprenne épouvantée
À quel point le petit peut dépasser le grand,