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                            V

Ah ! ce n’est pas aisé, suivre la voie étroite,
Donner tort à la foule et rester l’âme droite,
Protéger l’éternelle équité qu’on meurtrit.
Quand le proscrit l’essaie, on redonne au proscrit
Toute la quantité d’exil dont on dispose.

Pourtant n’exile point qui veut. C’est une chose
Inexprimable, affreuse et sainte que l’exil.
Chercher son toit dans l’ombre et dire : Où donc est-il ?
Songer, vieux, dans les deuils et les mélancolies,
Aux fleurs qu’avec des mains d’enfant on a cueillies,
A tel noir coin de rue autrefois plein d’attrait
A cause d’un regard furtif qu’on rencontrait ;
Se rappeler les temps, les anciennes aurores,
Et dans les champs plus verts les oiseaux plus sonores ;
Ne plus trouver au ciel la couleur qu’il avait ;
Penser aux morts ; hélas ! ne plus voir leur chevet,