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Une fleur souffre-t-elle ? un rocher pense-t-il ?
Qu’est-ce que l’Onde ? Etnas, Cotopaxis, Vésuves,
D’où vient le flamboiement de vos énormes cuves ?
Où donc est la poulie et la corde et le seau
Qui pendent dans ton puits, ô noir Chimborazo ?
Vivants ! distinguons-nous une chose d’un être ?
Qu’est-ce que mourir ? dis, mortel ! qu’est-ce que naître ?
Vous demandez d’un fait : Est-ce toute la loi ?
Voyons, qui que tu sois, toi qui parles, dis-moi,
Qu’es-tu ? Tu veux sonder l’abîme ? Es-tu de force
A scruter le travail des sèves sous l’écorce ;
A guetter, dans la nuit des filons souterrains,
L’hymen de l’eau terrestre avec les flots marins
Et la formation des métaux ; à poursuivre
Dans leurs antres le plomb, le mercure et le cuivre,
Si bien que tu pourrais dire : Voici comment
L’or se fait dans la terre et l’aube au firmament !
Le peux-tu ? parle. Non. Eh bien, sois économe
D’axiomes sur Dieu, de sentences sur l’homme,
Et ne prononce pas d’arrêts dans l’infini.
Et qui donc ici-bas, qui, maudit ou béni,
Peut de quoi que ce soit, farce, âme, esprit, matière,
Dire : — Ce que j’ai là, c’est la loi tout entière ;
Ceci, c’est Dieu, complet, avec tous ses rayons ;
Mettez-le-moi bien vite en vos collections,
Et tirez le verrou de peur qu’il ne s’échappe. —
Savant dans son usine ou prêtre sous sa chape,
Qui donc nous montrera le sort des deux côtés ?