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L’ombre, et le conquérant est le missionnaire
Terrible du rayon qui contient le tonnerre.
Sésostris vivifie en tuant, Gengiskan
Est la lave féconde et sombre du volcan,
Alexandre ensemence, Attila fertilise.
Ce monde que l’effort douloureux civilise,
Cette création où l’aube pleure et luit,
Où rien n’éclôt qu’après avoir été détruit,
Où les accouplements résultent des divorces,
Où Dieu semble englouti sous le chaos des forces,
Où le bourgeon jaillit du nœud qui l’étouffait,
C’est du mal qui travaille et du bien qui se fait.

Mais quelle ombre ! quels flots de fumée et d’écume !
Quelles illusions d’optique en cette brume !
Est-ce un libérateur, ce tigre qui bondit ?
Ce chef, est-ce un héros ou bien est-ce un bandit ?
Devinez. Qui le sait ? dans ces profondeurs faites
De crime et de vertu, de meurtres et de fêtes,
Trompé par ce qu’on voit et par ce qu’on entend,
Comment retrouver l’astre en tant d’horreur flottant ?

De là vient qu’autrefois tout semblait vain et trouble ;
Tout semblait de la nuit qui monte et qui redouble ;
Le vaste écroulement des faits tumultueux,
Les combats, les assauts traîtres et tortueux,
Les Carthages, les Tyrs, les Byzances, les Romes,
Les catastrophes, chute épouvantable d’hommes,