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Ne seraient que l’étable infâme d’Augias,
La latrine et l’égout du sort, sans le lavage
De sang que par instants Dieu fait sur ce pavage.
C’est dans le sang que Rome et Venise ont fleuri.
Du sang ! et l’on entend dans l’histoire ce cri :
— Une aile sort du ver et l’un engendre l’autre.
L’âge qui plane est fils du siècle qui se vautre. —
Le monde reverdit dans le deuil, dans l’horreur ;
Champ sombre dont Nemrod est le dur laboureur !

Toute fleur est d’abord fumier, et la nature
Commence par manger sa propre pourriture ;
La raison n’a raison qu’après avoir eu tort ;
Pour avancer d’un pas le genre humain se tord ;
Chaque évolution qu’il fait dans la tourmente
Semble une apocalypse où quelqu’un se lamente.
Ouvrage lumineux, ténébreux ouvrier.

Sitôt que le char marche il se met à crier.
L’esclavage est un pas sur l’anthropophagie ;
La guillotine, affreuse et de meurtres rougie,
Est un pas sur le croc, le pal et le bûcher ;
La guerre est un berger tout autant qu’un boucher ;
Cyrus crie : en avant ! tous les grands chefs d’armées,
Trouant le genre humain de routes enflammées,
Ont une tache d’aube au front, noirs éclaireurs ;
Ils refoulent la nuit, les brouillards, les erreurs,