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Doit saigner, et, touchée en naissant par le fer,
Doit avoir, pour le deuil comme pour l’espérance,
Son mystérieux sceau de vie et de souffrance
Dans cette cicatrice auguste, le nombril ;
Que l’oeuf de l’avenir, pour éclore en avril,
Doit être déposé dans une chose morte ;
Qu’il faut que le bien naisse et que l’épi mûr sorte
De cette plaie en fleur qu’on nomme le sillon,
Que le cri jaillit mieux en mordant le bâillon ;
Que l’homme doit atteindre à des édens suprêmes,
Dont la porte déjà, dans l’ombre des problèmes,
Apparaît radieuse à ses yeux enflammés,
Mais que les deux battants en resteront fermés,
Malgré le saint, le christ, le prophète et l’apôtre,
Si Satan n’ouvre l’un, si Caïn n’ouvre l’autre ?

O contradictions terribles ! d’un côté
On voit la loi de paix, de vie et de bonté
Par-dessus l’infini dans les prodiges luire ;
Et de l’autre on écoute une voix triste dire :
— Penseurs, réformateurs, porte-flambeaux, esprits,
Lutteurs, vous atteindrez l’idéal ! à quel prix ?
Au prix du sang, des fers, du deuil, des hécatombes.
La route du progrès, c’est le chemin des tombes. —
Voyez : le genre humain, à cette heure opprimé
Par les forces sans yeux dont ce globe est formé,
Doit vaincre la matière, et, c’est là le problème,