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Et qui, tâtant l’espace et tendant sa sébile,
Sans tactique, sans but, sans colère, sans art,
Attend de l’inconnu l’aumône d’un hasard !
C’est le moment de mettre en fuite l’ombre noire
Et d’ouvrir cette porte altière, la victoire ;
On ne se croirait pas guidé, gardé, ni sûr
De pouvoir s’enfoncer fièrement dans l’azur,
Et d’échapper aux chocs, aux fureurs, aux huées,
Aux coups de fronde, aux vents, à travers les nuées,
Et d’éviter l’écueil, la chute, le récif,
Si cet humble petit marcheur, morne et poussif,
Rêveur comme la taupe, utile comme l’âne,
Ne complétait l’énorme attelage qui plane !
Quoi ! dans l’heure où la France est en péril, ayant
Pour tirer hors des flots le quadrige effrayant,
Les quatre esprits géants qui brisent tous les voiles,
Monstres dont la crinière est mêlée aux étoiles
Et que suit, essoufflé, l’essaim des aquilons,
Nous disons : Ce n’est pas assez ! et nous voulons
Un renfort, et, voyant le précipice immense,
Voyant l’ombre qu’il faut franchir, notre démence,
Devant le noir nadir et le zénith vermeil,
Ajoute un chien d’aveugle aux chevaux du soleil !