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De nuée et de vent qui flotte dans l’espace,
Il vole, il a son but, il veut, il cherche, il passe,
Reconnaissant d’en haut fleuves, arbres, buissons,
Par-dessus la rondeur des blêmes horizons.
Il songe à sa femelle, à sa douce couvée,
Au nid, à sa maison, pas encor retrouvée,
Au roucoulement tendre, au mois de mai charmant ;
Il vole ; et cependant, au fond du firmament,
Il traîne à son insu toute notre ombre humaine ;
Et tandis que l’instinct vers son toit le ramène
Et que sa petite âme est toute à ses amours,
Sous sa plume humble et frêle il a les noirs tambours,
Les clairons, la mitraille éclatant par volées,
La France et l’Allemagne éperdument mêlées,
La bataille, l’assaut, les vaincus, les vainqueurs,
Et le chuchotement mystérieux des cœurs,
Et le vaste avenir qui, fatal, enveloppe
Dans le sort de Paris le destin de l’Europe.

Oh ! qu’est-ce que c’est donc que l’Inconnu qui fait
Croître un germe malgré le roc qui l’étouffait ;
Qui, tenant, maniant, mêlant les vents, les ondes,
Les tonnerres, la mer où se perdent les sondes,
Pour faire ce qui vit prenant ce qui n’est plus,
Maître des infinis, a tous les superflus,
Et qui, puisqu’il permet la faute, la misère,
Le mal, semble parfois manquer du nécessaire ;
Qui pour une hirondelle édifie un donjon,