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Afin que l’univers sache, s’il le demande,
Que l’Allemagne est forte et que la France est grande ;
Que le Germain candide est enfin triomphant,
Et qu’il est l’homme peuple et non le peuple enfant !

Vos hordes aux yeux bleus se mettront à nous suivre
Avec la joie étrange et superbe de vivre,
Et le contentement profond de n’avoir plus
D’enclumes pour forger des glaives superflus.
Le plus poignant motif que sur terre on rencontre
D’être pour la raison, c’est d’avoir été contre ;
On sert le droit avec d’autant plus de vertu
Qu’on a le repentir de l’avoir combattu.
L’Allemagne, de tant de meurtres inondée,
Sera la prisonnière auguste de l’idée ;
Car on est d’autant plus captif qu’on fut vainqueur ;
Elle ne pourra pas rendre à la nuit son cœur ;
L’Allemand ne pourra s’évader de son âme
Dont nous aurons changé la lumière et la flamme,
Et se reconnaîtra Français, en frémissant
De baiser nos pieds, lui qui buvait notre sang !

Non, vous ne prendrez pas la Lorraine et l’Alsace,
Et, je vous le redis, Allemands, quoi qu’on fasse,
C’est vous qui serez pris par la France. Comment ?
Comme le fer est pris dans l’ombre par l’aimant ;
Comme la vaste nuit est prise par l’aurore ;
Comme avec ses rochers, où dort l’écho sonore,