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DEPUIS L’EXIL. — 1885.

On aurait voulu que le transport au catafalque de l’Arc de Triomphe se fît la nuit et secrètement. Mais les vingt maires de Paris demandèrent à se joindre, dans le trajet, au premier cortège intime. On laissa du moins ignorer l’heure indiquée : la première heure, cinq heures et demie du matin. La foule attendit toute la nuit dans la rue.

À six heures, la bière fut descendue de la chambre mortuaire et placée dans un fourgon des pompes funèbres, qui disparaissait sous les fleurs et les couronnes.

La famille, les amis, les maires de Paris suivirent, et traversèrent toute cette population émue et recueillie.

Là fut jeté pour la première fois, et à plusieurs reprises, ce cri qui devait souvent retentir le lendemain, et qui pouvait paraître singulier sur le passage d’un mort : Vive Victor Hugo ! Pour le peuple, son poëte était toujours vivant. Vive Victor Hugo ! cela voulait dire : Vive son œuvre et vive sa gloire !

Parmi les amis qui suivaient le convoi, un groupe à part était formé par des jeunes gens qui avaient réclamé l’honneur de veiller auprès du corps, pendant le jour et la nuit où il allait rester sous le catafalque de l’Arc de Triomphe. Quels étaient ces jeunes gens ? Les mêmes qui, quatre ans auparavant, avaient préparé la fête de l’anniversaire du 27 février 1881. On se rappelle que, ce jour-là, ils avaient assigné l’Arc de Triomphe comme point de départ au peuple qu’ils amenaient saluer Victor Hugo ; ils amenaient aujourd’hui Victor Hugo à la rencontre du peuple, au même lieu de rendez-vous.


Rien de plus grandiose que cet aspect : l’Arc de Triomphe en deuil.

Du haut du fronton, un immense crêpe noir tombe en diagonale de la corniche opposée au groupe de Rude. Le quadrige de Falguière, qui surmontait alors le monument, apparaissait aussi sous un voile noir. Aux quatre coins pendent des oriflammes. De longues draperies noires frangées de blanc, décorées d’écussons où se lisent les titres des œuvres du poëte, ferment trois des ouvertures. Sur l’une des faces latérales, l’image de Victor Hugo, portée par deux Renommées embouchant la trompette lyrique.

Sous la grande arche faisant face à l’avenue des Champs-Élysées se dresse le catafalque. Il est surélevé de douze marches et touche