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MORT DE VICTOR HUGO.

gieuse et sans exemple dans notre pays, Victor Hugo n’apparaissait plus que comme le symbole radieux du génie de la France.

Nulle royauté littéraire n’égala jamais la sienne. Voltaire régnait à d’autres titres. On a dit de Voltaire qu’il était le second dans tous les genres. Victor Hugo, au contraire, est et demeurera le premier dans plusieurs. Ni dans ce siècle, ni dans nul des siècles qui l’ont précédé, la France n’a possédé un poète de cette hauteur, de cette abondance et de cette envergure. Il est pour nous ce que Dante, Pétrarque, le Tasse et l’Arioste réunis furent pour l’Italie ; c’est le chêne immense dont les robustes frondaisons couvrent depuis soixante ans de leur ombre les floraisons sans cesse renaissantes de la pensée française.

Henry Maret :

Ne vous semble-t-il pas que ce soit là un coucher d’astre, et que nous entrions dans je ne sais quelles ténèbres ?

Comme Voltaire, mourant presque au même âge, presque au même jour, il donnera son nom au siècle qu’il a illuminé de son génie, qu’il a éclairé de sa bonté.

Deuil national, deuil universel, deuil avant tout de ce Paris qu’il a tant aimé. La cité, qu’il a baptisée capitale du monde, fera a son poëte de splendides funérailles ; l’atelier chômera, le théâtre fermera, les passions s’apaiseront, et les partisans des vieux trônes se joindront aux fils de la Révolution pour accompagner, tristes et recueillis, les restes du chantre sublime de toutes les gloires et de tous les malheurs.

Henri Rochefort :

Le grand amnistieur, c’est sous ce nom et avec ce caractère que le souvenir de Victor Hugo restera vivant parmi le peuple. Il n’est allé rendre visite aux souverains que pour demander la grâce de quelque proscrit. Lorsqu’en 1869 j’allai voir à La Have l’illustre Armand Barbès, j’aperçus dans sa chambre à coucher un portrait de Victor Hugo :

« Est-il ressemblant ? » me demanda-t-il ; et il ajouta : « Comprenez-vous que sans lui j’aurais eu certainement la tête coupée, et que je ne l’ai jamais vu ? »

Après la Commune, la première voix qui cria : Amnistie ! fut la