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DEPUIS L’EXIL.

réunis à la même heure devant la maison où le maître est né, déposent en ce moment sur la façade des couronnes de fleurs, afin d’honorer sa mémoire, en attendant que la ville complète son œuvre par l’érection de la statue du grand citoyen sur l’une de nos places publiques.

Adieu donc, maître, recevez une dernière fois l’hommage de notre douleur profonde et de notre souvenir respectueux.

Après les désastres de la patrie foulée par l’envahissement, vous avez, le premier, jeté le cri de protestation et de rage sur les deux provinces écartelées, Strasbourg en croix, Metz au cachot, et depuis la douloureuse séparation, vous n’avez cessé de conserver à nos frères malheureux d’Alsace et de Lorraine l’amour de la patrie française et l’espérance dans l’avenir. Maître, soyez sans inquiétude sur votre berceau ; depuis que la Franche-Comté, après toutes ses vicissitudes, se donna à la France, il y a deux siècles de cela, elle resta le rempart avancé et fidèle de la patrie.

Jamais Besançon n’a vu l’ennemi dans sa citadelle, jamais sur ses tours l’ombre d’Attila, et les hirondelles qui viennent chaque année construire leurs nids aux fenêtres de cette chambre où vous êtes né ne diront jamais : La France n’est plus là.

Adieu donc, maître, au nom de tous mes concitoyens ! ou plutôt au revoir au sein du Dieu de « la raison, du droit, du bien, de la justice », dont vous nous avez légué la foi !


DISCOURS DE M. HENRI DE BORNIER
au nom de la société des auteurs dramatiques.

La Société des auteurs et compositeurs dramatiques m’a chargé d’apporter l’hommage de son admiration et de sa douleur à l’homme qui a illustré à jamais la scène française.

Je n’ai à parler que du poète dramatique, mais à l’insuffisance de mes paroles suppléera cette voix mystérieuse que chacun écoute dans son âme en face des grands tombeaux.

Victor Hugo a écrit cette phrase dont on pourrait faire l’épigraphe de son théâtre : « Dieu frappe l’homme, l’homme jette un cri ; ce cri c’est le drame. »

Oui, c’est le drame, le drame de Victor Hugo surtout. Dans aucun temps, dans aucun pays, aucun poète n’a écouté de plus près, n’a reproduit avec plus de force ce cri de la douleur humaine. Chacune de ses œuvres tragiques semble porter le nom d’un