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LE CENTENAIRE DE VOLTAIRE.

que si tuer est un crime, tuer beaucoup n’en peut pas être la circonstance atténuante (Rires et bravos) ; que si voler est une honte, envahir ne saurait être une gloire (Applaudissements répétés) ; que les Tedeums n’y font pas grand’chose ; que l’homicide est l’homicide, que le sang versé est le sang versé, que cela ne sert à rien de s’appeler César ou Napoléon, et qu’aux yeux du Dieu éternel on ne change pas la figure du meurtre parce qu’au lieu d’un bonnet de forçat on lui met sur la tête une couronne d’empereur. (Longue acclamation. Triple salve d’applaudissements.)

Ah ! proclamons les vérités absolues. Déshonorons la guerre. Non, la gloire sanglante n’existe pas. Non, ce n’est pas bon et ce n’est pas utile de faire des cadavres. Non, il ne se peut pas que la vie travaille pour la mort. Non, ô mères qui m’entourez, il ne se peut pas que la guerre, cette voleuse, continue à vous prendre vos enfants. Non, il ne se peut pas, que la femme enfante dans la douleur, que les hommes naissent, que les peuples labourent et sèment, que le paysan fertilise les champs et, que l’ouvrier féconde les villes, que les penseurs méditent, que l’industrie fasse des merveilles, que le génie fasse des prodiges, que la vaste activité humaine multiplie en présence du ciel étoilé les efforts et les créations, pour aboutir à cette épouvantable exposition internationale qu’on appelle un champ de bataille ! (Profonde sensation. Tous les assistants sont debout et acclament l’orateur.)

Le vrai champ de bataille, le voici. C’est ce rendez-vous des chefs-d’œuvre du travail humain que Paris offre au monde en ce moment.

La vraie victoire, c’est la victoire de Paris. (Applaudissements.)

Hélas ! on ne peut se le dissimuler, l’heure actuelle, si digne qu’elle soit d’admiration et de respect, a encore des côtés funèbres, il y a encore des ténèbres sur l’horizon ; la tragédie des peuples n’est pas finie ; la guerre, la guerre scélérate, est encore là, et elle a l’audace de lever la tête