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LE SEIZE MAI. — LA DISSOLUTION.

triomphe, du triomphe de la paix. Tout à coup, dans ce ciel bleu un coup de foudre éclate, et au lieu d’une victoire on apporte à la France une catastrophe. (Vive émotion. — Bravos à gauche.)

Le 15 mai, tout prospérait ; le 16, tout s’est arrêté. On a assisté au spectacle étrange d’un malheur public, fait exprès. (Sensation.) Subitement, le crédit se déconcerte ; la confiance disparaît ; les commandes cessent ; les usines s’éteignent ; les manufactures se ferment ; les plus puissantes renvoient la moitié de leurs ouvriers ; lisez les remontrances des chambres de commerce ; le chômage, cette peste du travail, se répand et s’accroît, et une sorte d’agonie commence. Ce que cette calamité, le 16 mai, coûte à notre industrie, à notre commerce, à notre travail national, ne peut se chiffrer que par des centaines de millions. (Allons donc ! à droite. — Oui ! oui ! à gauche.)

Eh bien, messieurs, aujourd’hui que vous demande-t-on ? De la continuer. Le 16 mai désire se compléter. Un mois d’agonie, c’est peu ; il en demande quatre. Dissolvez la chambre. On verra où la France en sera au bout de quatre mois. La durée du 16 mai, c’est la durée de la catastrophe. Aggravation funeste. Partout la stagnation commerciale, partout la fièvre politique. Trois mois de querelle et de haine. L’angoisse ajoutée à l’angoisse. Ce qui n’était que le chômage sera la faillite ; ruine pour les riches, famine pour les pauvres ; l’électeur acculé à son droit ; l’ouvrier sans pain armé du vote. La colère mêlée à la justice. Tel est le lendemain de la dissolution. (Mouvement.)

Si vous l’accordiez, messieurs, le service que le 16 mai aurait rendu à la France équivaudrait au service vice que rend une rupture de rails à un train lancé à toute vapeur. (C’est vrai !)

Et j’hésite à achever ma pensée, mais il faut, sinon tout dire, au moins tout indiquer.

Messieurs, réfléchissez. L’Europe est en guerre. La France a des ennemis. Si, en l’absence des chambres, dans l’éclipse de la souveraineté nationale, si l’étranger…