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LE SEIZE MAI. — LA DISSOLUTION.

reflets sinistres, et l’on dirait qu’ils éclairent confusément les événements possibles.

Ces crimes sont derrière nous, et par moments nous croyons les revoir devant nous.

Il y a parmi vous, messieurs, des hommes qui se souviennent. Quelquefois se souvenir, c’est prévoir. (Applaudissements à gauche.)

Ces hommes ont vu, il y a vingt-six ans, ce phénomène :

Une grande nation qui ne demande que la paix, une nation qui sait ce qu’elle veut, qui sait d’où elle vient et qui a droit de savoir où elle va, une nation qui ne ment pas, qui ne cache rien, qui n’élude rien, qui ne sous-entend rien, et qui marche dans la voie du progrès droit devant elle et à visage découvert, la France, qui a donné à l’Europe quatre illustres siècles de philosophie et de civilisation, qui a proclamé par Voltaire la liberté religieuse (protestations à droite, vive approbation à gauche) et par Mirabeau la liberté politique ; la France qui travaille, qui enseigne, qui fraternise, qui a un but, le bien et qui le dit, qui a un moyen, le juste, et qui le déclare, et, derrière cet immense pays en pleine activité, en pleine bonne volonté, en pleine lumière, un gouvernement masqué. (Applaudissements prolongés à gauche. Réclamations à droite.)

Messieurs, nous qui avons vu cela, nous sommes pensifs aujourd’hui, nous regardons avec une attention profonde ce qui semble être devant nous : une audace qui hésite, des sabres qu’on entend traîner, des protestations de loyauté qui ont un certain son de voix ; nous reconnaissons le masque. (Sensation.)

Messieurs, les vieillards sont des avertisseurs. Ils ont pour fonction de décourager les choses mauvaises et de déconseiller les choses périlleuses. Dire des paroles utiles, dussent-elles paraître inutiles, c’est là leur dignité et leur tristesse. (Très bien ! à gauche.)

Je ne demande pas mieux que de croire à la loyauté, mais je me souviens qu’on y a déjà cru. (C’est vrai ! à