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DEPUIS L’EXIL. — 1877.

si la droiture est la puissance, la modération est la force.

Maintenant, et sous ces réserves, trouvez bon que je vous dise ma pensée entière.

À l’heure où nous sommes, le monde est en proie à deux efforts contraires.

Un mot suffit pour caractériser cette heure étrange. À quoi songent les rois ? À la guerre. À quoi songent les peuples ? À la paix. (Applaudissements prolongés.)

L’agitation fiévreuse des gouvernements a pour contraste et pour leçon le calme des nations. Les princes arment, les peuples travaillent. Les peuples s’aiment et s’unissent. Aux rois préméditant et préparant des événements violents, les peuples opposent la grandeur des actions paisibles.

Majestueuse résistance.

Les populations s’entendent, s’associent, s’entr’aident.

Ainsi, voyez :

Lyon souffre, Paris s’émeut.

Que le patriotique auditoire ici rassemblé me permette de lui parler de Lyon.

Lyon est une glorieuse ville, une ville laborieuse et militante. Au-dessus de Lyon, il n’y a que Paris. À ne voir que l’histoire, on pourrait presque dire que c’est à Lyon que la France est née. Lyon est un des plus antiques berceaux du fait moderne ; Lyon est le lieu d’inoculation de la démocratie latine à la théocratie celtique ; c’est à Lyon que la Gaule s’est transformée et transfigurée jusqu’à devenir l’héritière de l’Italie ; Lyon est le point d’intersection de ce qui a été jadis Rome et de ce qui est aujourd’hui la France. — Lyon a été notre premier centre. Agrippa a fait de Lyon le nœud des chemins militaires de la Gaule, et ce procédé péremptoire de civilisation a été imité depuis par les routes stratégiques de la Vendée. Comme toutes les cités prédestinées, la ville de Lyon a été éprouvée ; au deuxième siècle par l’incendie, au cinquième siècle par l’inondation, au dix-septième siècle par la peste. Fait que l’histoire doit noter, Néron, qui avait brûlé Rome, a rebâti