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DEPUIS L’EXIL. — 1876.

Cette défense d’aller plus loin dans le crime, nous, les peuples, nous l’intimons aux gouvernements.

Mais on nous dit : Vous oubliez qu’il y a des « questions ». Assassiner un homme est un crime, assassiner un peuple est « une question ». Chaque gouvernement a sa question ; la Russie a Constantinople, l’Angleterre a l’Inde, la France a la Prusse, la Prusse a la France.

Nous répondons :

L’humanité aussi a sa question ; et cette question la voici, elle est plus grande que l’Inde, l’Angleterre et la Russie : c’est le petit enfant dans le ventre de sa mère.

Remplaçons les questions politiques par la question humaine.

Tout l’avenir est là.

Disons-le, quoiqu’on fasse, l’avenir sera. Tout le sert, même les crimes. Serviteurs effroyables.

Ce qui se passe en Serbie démontre la nécessité des États-Unis d’Europe. Qu’aux gouvernements désunis succèdent les peuples unis. Finissons-en avec les empires meurtriers. Muselons les fanatismes et les despotismes. Brisons les glaives valets des superstitions et les dogmes qui ont le sabre au poing. Plus de guerres, plus de massacres, plus de carnages ; libre pensée, libre échange ; fraternité. Est-ce donc si difficile, la paix ? La République d’Europe, la Fédération continentale, il n’y a pas d’autre réalité politique que celle-là. Les raisonnements le constatent, les événements aussi. Sur cette réalité, qui est une nécessité, tous les philosophes sont d’accord, et aujourd’hui les bourreaux joignent leur démonstration à la démonstration des philosophes. À sa façon, et précisément parce qu’elle est horrible, la sauvagerie témoigne pour la civilisation. Le progrès est signé Achmet-Pacha. Ce que les atrocités de Serbie mettent hors de doute, c’est qu’il faut à l’Europe une nationalité européenne, un gouvernement un, un immense arbitrage fraternel, la démocratie en paix avec elle-même, toutes les nations sœurs ayant pour cité et pour chef-lieu