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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

Je vois à votre tête une noble intelligence, M. Paüly Strasser, votre bourgmestre. C’est un artiste en même temps qu’un homme politique. Vianden vit en lui ; député et bourgmestre, il en est l’incarnation. Dans cette ville il est plus que le magistrat, il est l’âme.

Je vous félicite en lui et je le félicite en vous.

Oui, votre cordiale bienvenue m’est douce.

Vous êtes des hommes des champs, et parmi vous il y a des hommes d’étude, car j’aperçois plusieurs maîtres d’école. C’est là un beau mélange. Cette réunion est un échantillon du vrai groupe humain qui se compose de l’ouvrier matériel et de l’ouvrier moral, et qui résume toute la civilisation dans l’embrassement du travail et de la pensée.

J’aime ce pays ; c’est la cinquième fois que j’y viens. Les autres années, j’y étais attiré par ma propre rêverie et par la pente que j’ai en moi vers les beaux lieux qui sont des lieux sauvages. Aujourd’hui j’y suis chassé par un coup de vent ; ce coup de vent, je le remercie.

Il me replace au milieu de vous.

Agriculteurs et travailleurs, je vous ressemble ; votre société s’appelle la Lyre ouvrière, quel nom touchant et cordial ! Au fond, vous et moi, nous faisons la même chose. Je creuse aussi moi un sillon, et vous dites un hymne aussi vous. Vous chantez comme moi, et comme vous je laboure. Mon sillon, c’est la dure glèbe humaine ; ma charrue, c’est mon esprit.

Vous venez de chanter des choses très belles. De nobles et charmantes femmes sont ici présentes, j’ai vu des larmes dans leurs yeux. Ne vous étonnez pas si, en vous remerciant, il y a un peu de tremblement dans ma voix. Depuis quelque temps je suis plus accoutumé aux cris de colère qu’aux chants du cœur, et ce que les colères ne peuvent faire, la sympathie le fait. Elle m’émeut.

Oui, j’aime ce pays de Vianden. Cette petite ville est une vraie figure du progrès ; c’est un raccourci de toute l’his-