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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

la politique de caverne. Quel deuil et quel opprobre s’il arrivait, dans quelque moment suprême, que les misérables qui ont rendu ce décret trouvassent des bandits pour l’exécuter ! Quel contre-coup cela aurait ! Vous verriez les représailles ! Je ne veux rien prédire, mais je me figure la terreur blanche répliquant à la terreur rouge.

Ce que représente la Commune est immense ; elle pourrait faire de grandes choses, elle n’en fait que de petites. Et des choses petites qui sont des choses odieuses, c’est lamentable.

Entendons-nous. Je suis un homme de révolution. J’étais même cet homme-là sans le savoir, dès mon adolescence, du temps où, subissant à la fois mon éducation qui me retenait dans le passé et mon instinct qui me poussait vers l’avenir, j’étais royaliste en politique et révolutionnaire en littérature ; j’accepte donc les grandes nécessités ; à une seule condition, c’est qu’elles soient la confirmation des principes, et non leur ébranlement.

Toute ma pensée oscille entre ces deux pôles : Civilisation, Révolution. Quand la liberté est en péril, je dis : Civilisation, mais révolution ; quand c’est l’ordre qui est en danger, je dis : Révolution, mais civilisation.

Ce qu’on appelle l’exagération est parfois utile, et peut même, à de certains moments, sembler nécessaire. Quelquefois pour faire marcher un côté arriéré de l’idée, il faut pousser un peu trop en avant l’autre côté. On force la vapeur ; mais il y a possibilité d’explosion, et chance de déchirure pour la chaudière et de déraillement pour la locomotive. Un homme d’état est un mécanicien. La bonne conduite de tous les périls vers un grand but, la science du succès selon les principes à travers le risque et malgré l’obstacle, c’est la politique.

Mais, dans les actes de la Commune, ce n’est pas à l’exagération des principes qu’on a affaire, c’est à leur négation.

Quelquefois même à leur dérision.