Page:Hugo - Actes et paroles - volume 4.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
PENDANT L’EXIL. — 1864.

les procédures commencées contre les vaudois. Il était digne d’avoir pour fille cette vaillante huguenote astrologue Renée de Bretagne, si intrépide devant la Saint-Barthélemy et si fière à Montargis. Jeune, il avait passé trois ans à la tour de Bourges, et il avait tâté de la cage de fer. Cela, qui eût rendu un autre méchant, le fit débonnaire. Il entra à Gênes, vainqueur, avec une ruche d’abeilles dorée sur sa cotte d’armes et cette devise : Non utitur aculeo. Et étant bon, il était brave : À Aignadel, à un courtisan qui disait : Vous vous exposez, sire, il répondait : Mettez-vous derrière moi. C’est lui aussi qui disait : Bon roi, roi avare. J’aime mieux être ridicule aux courtisans que lourd au peuple. Il disait : La plus laide bête à voir passer, c’est un procureur portant ses sacs. Il haïssait les juges désireux de condamner et faisant effort pour agrandir la faute et envelopper l’accusé. Ils sont, disait-il, comme les savetiers qui allongent le cuir en tirant dessus avec leurs dents. Il mourut de trop aimer sa femme, comme plus tard François II, doucement tués l’un et l’autre par une Marie. Cette noce fut courte. Le 1er janvier 1515, après quatre-vingt-trois jours ou plutôt quatre-vingt-trois nuits de mariage, Louis XII expira, et comme c’était le jour de l’an, il dit à sa femme : Mignonne, je vous donne ma mort pour vos étrennes. Elle accepta, de moitié avec le duc de Brandon.

L’autre fantôme qui domine Blois est aussi haïssable que Louis XII est sympathique. C’est ce Gaston, Bourbon coupé de Médicis, florentin du seizième siècle, lâche, perfide, spirituel, disant de l’arrestation de Longueville, de Conti et de Condé : Beau coup de filet ! prendre à la fois un renard, un singe et un lion ! Curieux, artiste, collectionneur, épris de médailles, de filigranes et de bonbonnières, passant sa matinée à admirer le couvercle d’une boîte en ivoire, pendant qu’on coupait la tête à quelqu’un de ses amis trahi par lui.

Toutes ces figures, et Henri III, et le duc de Guise, et d’autres, y compris ce Pierre de Blois qui a pour gloire d’avoir prononcé le premier le mot transsubstantiation, je les ai revues, monsieur, dans sa confuse évocation de l’histoire, en feuilletant votre précieux recueil. Votre