Page:Hugo - Actes et paroles - volume 4.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

I

À L’ARMÉE RUSSE

La Pologne, indomptable comme le droit, venait de se soulever. L’armée russe l’écrasait. Alexandre Herzen, le vaillant rédacteur du Kolokol, écrivit à Victor Hugo cette simple ligne :

« Grand frère, au secours ! Dites le mot de la civilisation. »

Victor Hugo publia dans les journaux libres de l’Europe l’Appel à l’armée russe qu’on va lire :

Soldats russes, redevenez des hommes.

Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la.

Pendant qu’il en est temps encore, écoutez :

Si vous continuez cette guerre sauvage ; si, vous, officiers, qui êtes de nobles cœurs, mais qu’un caprice peut dégrader et jeter en Sibérie ; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd’hui, violemment arrachés à vos mères, à vos fiancées, à vos familles, sujets du knout, maltraités, mal nourris, condamnés pour de longues années et pour un temps indéfini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs ; si, vous qui êtes des victimes, vous prenez parti contre les victimes ; si, à l’heure sainte où la Pologne vénérable se dresse, à l’heure suprême ou le choix vous est donné entre Pétersbourg où est le tyran et Varsovie où est la liberté ; si, dans ce conflit décisif, vous méconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternité ; si vous faites cause commune contre les polonais avec le czar, leur bourreau et le vôtre ; si, opprimés, vous