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PENDANT L’EXIL. — 1870

Pendant que les penseurs perfectionnent la civilisation, les rois perfectionnent la guerre. Celle-ci sera affreuse.

On annonce des chefs-d’œuvre. Un fusil tuera douze hommes, un canon en tuera mille. Ce qui va couler à flots dans le Rhin, ce n’est plus l’eau pure et libre des grandes Alpes, c’est le sang des hommes.

Des mères, des sœurs, des filles, des femmes vont pleurer. Vous allez toutes être en deuil, celles-ci à cause de leur malheur, celles-là à cause du malheur des autres.

Mesdames, quel carnage ! quel choc de tous ces infortunés combattants ! Permettez-moi de vous adresser une prière. Puisque ces aveugles oublient qu’ils sont frères, soyez leurs sœurs, venez-leur en aide, faites de la charpie. Tout le vieux linge de nos maisons, qui ici ne sert à rien, peut là-bas sauver la vie à des blessés. Toutes les femmes de ce pays s’employant à cette œuvre fraternelle, ce sera beau ; ce sera un grand exemple et un grand bienfait. Les hommes font le mal, vous femmes, faites le remède ; et puisque sur cette terre il y a de mauvais anges, soyez les bons.

Si vous le voulez, et vous le voudrez, en peu de temps on peut avoir une quantité considérable de charpie. Nous en ferons deux parts égales, et nous enverrons l’une à la France et l’autre à la Prusse.

Je mets à vos pieds mon respect.

Victor Hugo