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VII

À CHARLES HUGO

Hauteville-House, 18 décembre 1869.

Mon fils, te voilà frappé pour la seconde fois. La première fois, il y a dix-neuf ans, tu combattais l’échafaud ; on t’a condamné. La deuxième fois, aujourd’hui, en rappelant le soldat à la fraternité, tu combattais la guerre ; on t’a condamné. Je t’envie ces deux gloires.

En 1851, tu étais défendu par Crémieux, ce grand cœur éloquent, et par moi. En 1860, tu as été défendu par Gambetta, le puissant évocateur du spectre de Baudin, et par Jules Favre, le maître superbe de la parole, que j’ai vu si intrépide au 2 décembre.

Tout est bien. Sois content.

Tu commets le crime de préférer comme moi à la société qui tue la société qui éclaire et qui enseigne, et aux peuples s’entr’égorgeant les peuples s’entr’aidant ; tu combats ces sombres obéissances passives, le bourreau et le soldat ; tu ne veux pas pour l’ordre social de ces deux cariatides ; à une extrémité l’homme-guillotine, à l’autre extrémité l’homme-chassepot. Tu aimes mieux Guillaume Penn que Joseph de Maistre, et Jésus que César. Tu ne veux de hache qu’aux mains du pionnier dans la forêt et de glaive qu’aux mains du citoyen devant la tyrannie. Au législateur tu montres comme idéal Beccaria, et au soldat Garibaldi. Tout cela vaut bien quatre mois de prison et mille francs d’amende.