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PENDANT L’EXIL. — 1868.

« Et maintenant, adieu donc ! adieu pour les présents ! adieu pour les absents ! adieu, notre amie ; adieu, notre sœur !

« Adieu, mais au revoir !

Mais le devoir ne lâche pas prise. Il a d’impérieuses urgences. Mme Victor Hugo, on vient de le voir, était morte en août. En octobre, l’écroulement de la royauté en Espagne redonnait la parole à Victor Hugo. Mis en demeure par de si décisifs événements, il dut, quel que fût son deuil, rompre le silence.


À L’ESPAGNE

Un peuple a été pendant mille ans, du sixième au seizième siècle, le premier peuple de l’Europe, égal à la Grèce par l’épopée, à l’Italie par l’art, à la France par la philosophie ; ce peuple a eu Léonidas sous le nom de Pélage, et Achille sous le nom de Cid ; ce peuple a commencé par Viriate et a fini par Riego ; il a eu Lépante, comme les grecs ont eu Salamine ; sans lui Corneille n’aurait pas créé la tragédie et Christophe Colomb n’aurait pas découvert l’Amérique ; ce peuple est le peuple indomptable du Fuero-Juzgo ; presque aussi défendu que la Suisse par son relief géologique, car le Mulhacen est au mont Blanc comme 18 est à 24, il a eu son assemblée de la forêt, contemporaine du forum de Rome, meeting des bois où le peuple régnait deux fois par mois, à la nouvelle lune et à la pleine lune ; il a eu les cortès à Léon soixante-dix-sept ans avant que les anglais eussent le parlement à Londres ; il a eu son serment du Jeu de Paume à Médina del Campo, sous Don Sanche ; dès 1133, aux cortès de Borja, il a eu le tiers état prépondérant, et l’on a vu dans l’assemblée de cette nation une seule ville, comme Saragosse, envoyer quinze députés ; dès 1307, sous Alphonse III, il a proclamé le droit et le de-