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PENDANT L’EXIL. — 1867.

Modestement, les yeux baissés, comme un poète
Se fait un peu prier pour réciter ses vers.
De convois de blessés les chemins sont couverts.
Partout rit la victoire.

Partout rit la victoire. Utilité des traîtres.

Dans les perles, la soie et l’or, parmi tes reîtres
Qu’hier, du doigt, aux champs de meurtre, tu guidais,
Pape, assis, sur ton trône et siégeant sous ton dais,
Coiffé de ta tiare aux trois couronnes, prêtre,
Tu verras quelque jour au Vatican peut-être
Entrer un homme triste et de haillons vêtu,
Un pauvre, un inconnu. Tu lui diras : ― Qu’es-tu,
Passant ? que me veux-tu ? sors-tu de quelque geôle ?
Pourquoi voit-on ces brins de laine à ton épaule ?
― Une brebis était tout à l’heure dessus,
Répondra-t-il. Je viens de loin. Je suis Jésus.

III

Une chaîne au héros ! une corde à l’apôtre !
John Brown, Garibaldi, passez l’un après l’autre.
Quel est ce prisonnier ? c’est le libérateur.
Sur la terre, en tous lieux, du pôle à l’équateur ;
L’iniquité prévaut, règne, triomphe, et mène
De force aux lâchetés la conscience humaine.
Ô prodiges de honte ! étranges impudeurs !
On accepte un soufflet par des ambassadeurs.
On jette aux fers celui qui nous a fait l’aumône.
― Tu sais, je t’ai blâmé de lui donner ce trône ! ―
On était gentilhomme, on devient alguazil.
Débiteur d’un royaume, on paie avec l’exil.

Pourquoi pas ? on est vil. C’est qu’on en reçoit l’ordre.
Rampons. Lécher le maître est plus sûr que le mordre.