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PENDANT L’EXIL. — 1862.

Que l’auteur pourtant me permette de lui reporter l’honneur de ces vers, qui, je le répète, me semblent fort beaux.

Et au premier remercîment que je lui adresse, j’en joins un second ; c’est de m’avoir fait connaître cette lamentable affaire de Charleroi.

Je regarde ces vers comme un appel qu’il m’adresse ; c’est une manière de m’inviter à élever la voix en me remettant sous les yeux les efforts que j’ai faits dans d’autres circonstances analogues, et je le remercie de cette généreuse mise en demeure.

Je réponds à son appel ; je m’unis à lui pour tâcher d’épargner à la Belgique cette chute de neuf têtes sur l’échafaud. Il s’est tourné vers le roi, je connais peu les rois ; je me tourne vers la nation.

Cette affaire du Hainaut est pour la Belgique, au point de vue du progrès, une de ces occasions d’où les peuples sortent amoindris ou agrandis.

Je supplie la nation belge d’être grande. Il dépend d’elle évidemment que cette hideuse guillotine à neuf colliers ne fonctionne point sur la place publique. Aucun gouvernement ne résiste à ces saintes pressions de l’opinion vers la douceur. Ne point vouloir de l’échafaud, ce doit être la première volonté d’un peuple. On dit : Ce que veut le peuple, Dieu le veut. Il dépend de vous, belges, de faire dire : Ce que Dieu veut, le peuple le veut.

Nous traversons en ce moment l’heure mauvaise du dix-neuvième siècle. Depuis dix ans, il y a un recul apparent de civilisation ; Venise enchaînée, la Hongrie garrottée, la Pologne torturée ; partout la peine de mort. Les monarchies ont des Haynau, les républiques ont des Taliaferro. La peine de mort est élevée à la dignité d’ultima ratio. Les races, les couleurs, les partis, se la jettent à la tête et s’en servent comme d’une réplique. Les blancs l’utilisent contre les nègres ; les nègres, représaille lugubre, l’aiguisent contre les blancs.

Le gouvernement espagnol fusille les républicains, et le gouvernement italien fusille les royalistes. Rome exécute un innocent. L’auteur du meurtre se nomme et réclame en vain ; c’est fait ; le bourreau ne revient pas sur son tra-