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rois, ont reconnu cette chose éclatante qui flamboie et qui rayonne à l’orient, et ils savent bien que ce qui brille en ce moment dans la main désespérée de la Turquie, ce n’est pas le vieux sabre ébréché d’Othman, c’est l’éclair splendide des révolutions !

Oui, citoyens, c’est la révolution qui vient de passer le Danube !

Le Rhin, le Tibre, la Vistule et la Seine en ont tressailli.

Proscrits, combattants de toutes les dates, martyrs de toutes les luttes, battez des mains à cet ébranlement immense qui commence à peine, et que rien maintenant n’arrêtera. Toutes les nations qu’on croyait mortes dressent la tête en ce moment. Réveil des peuples, réveil de lions.

Cette guerre a éclaté au sujet d’un sépulcre dont tout le monde voulait les clefs. Quel sépulcre et quelles clefs ? C’est là ce que les rois ignorent. Citoyens, ce sépulcre, c’est la grande tombe où est enfermée la République, déjà debout dans les ténèbres et toute prête à sortir. Et ces clefs qui ouvriront ce sépulcre, dans quelles mains tomberont-elles ? Amis, ce sont les rois qui se les disputent, mais c’est le peuple qui les aura.

C’est fini, j’y insiste, désormais les négociations, les notes, les protocoles, les ultimatum, les armistices, les plâtrages de paix eux-mêmes n’y peuvent rien. Ce qui est fait est fait. Ce qui est entamé s’achèvera. Le sultan, dans son désespoir, a saisi la révolution, et la révolution le tient. Il ne dépend plus de lui-même à présent de se délivrer de l’aide redoutable qu’il s’est donnée. Il le voudrait qu’il ne le pourrait. Quand un homme prend un archange pour auxiliaire, l’archange l’emporte sur ses ailes.

Chose frappante ! il est peut-être dans la destinée du sultan de faire crouler tous les trônes. (Une voix : Y compris le sien.)

Et cette œuvre à laquelle on contraint le sultan, ce sera le czar qui l’aura provoquée ! Cet écroulement des trônes, d’où sortira la confédération des Peuples-Unis, ce sera le czar, je ne dirai pas qui l’aura voulu, mais qui l’aura causé.