Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



SAUVAGERIES DE LA GUERRE DE CRIMÉE


Extrait d’une lettre du 16 septembre 1854 :

« Un événement très extraordinaire qui mérite une sévère censure a eu lieu hier vendredi. Signal fut fait du vaisseau l’Empereur à tous les navires d’envoyer leurs malades à bord du Kanguroo. Dans le cours de la journée, ce dernier fut entouré par des centaines de bateaux chargés d’hommes malades et promptement rempli jusqu’à suffocation (speedily crowded to suffocation). Avant la soirée il contenait environ quinze cents invalides de tout rang souffrant à bord. Le spectacle qui s’offrait était épouvantable (appalling) et les détails en sont trop effrayants pour que j’y insiste. Quand l’heure d’appareiller fut venue, le Kanguroo, en réplique à l’ordre de partir, hissa le signal : « C’est une tentative dangereuse. » (It is a dangerous experiment.) L’Empereur répondit par signal : « Que voulez-vous dire ? » Le Kanguroo riposta : « Le navire ne peut pas manœuvrer. » (The ship is unmanageable.) Toute la journée, le Kanguroo resta à l’ancre avec ce signal : « Envoyez des bateaux au secours. » À la fin, des ordres furent donnés pour transporter une partie de ce triste chargement sur d’autres navires partant aussi pour Constantinople.

« Beaucoup de morts ont eu lieu à bord ; il y a eu bien des scènes déchirantes, mais, hélas ! il ne sert à rien de les décrire. Il est évident, toutefois, que ni à bord ni à terre le service médical n’est suffisant. J’ai vu, de mes yeux, des hommes mourir sur le rivage, sur la ligne de marche et au bivouac, sans aucun secours médical ; et cela à la portée d’une flotte de cinq cents voiles, en vue des quartiers généraux ! Nous avons besoin d’un plus grand nombre de chirurgiens, et sur la flotte et dans l’armée ; souvent, trop souvent, le secours médical fait entièrement défaut, et il arrive fréquemment trop tard. »

(Times du samedi 30 septembre 1854.)


Extrait d’une lettre de Constantinople, du 28 septembre 1854 :

« Il est impossible pour personne d’assister aux tristes scènes de ces derniers jours, sans être surpris et indigné de l’insuffisance de notre service médical. La manière dont nos blessés et nos malades sont traités n’est digne que des sauvages de Dahomey. Les souffrances à bord du Vulcain ont été cruelles. Il y avait là