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qui se prépare en même temps que de ce qui se fait, n’oublions point ceci que Garibaldi, l’homme d’aujourd’hui, l’homme de demain, est aussi l’homme d’hier ; avant d’être le soldat de l’unité italienne il a été le combattant de la république romaine ; et à nos yeux, et aux yeux de quiconque sait comprendre les méandres nécessaires du progrès serpentant vers son but et les avatars de l’idée se transformant pour reparaître, 1860 continue 1849. (Sensation.)

Les libérateurs sont grands. Que l’acclamation reconnaissante des peuples les suive dans leurs fortunes ! Hier c’étaient les larmes, aujourd’hui c’est l’hosanna. La providence a de ces rétablissements d’équilibre ; John Brown succombe en Amérique, mais Garibaldi triomphe en Europe. L’humanité, consternée devant l’infâme gibet de Charlestown, se rassure devant la flamboyante épée de Catalafimi. (Bravo !)

Ô mes frères en humanité, c’est l’heure de la joie et de l’embrassement. Mettons de côté toute nuance exclusive, tout dissentiment politique, petit en ce moment ; à cette minute sainte où nous sommes, fixons uniquement nos yeux sur cette œuvre sacrée, sur ce but solennel, sur cette vaste aurore, les nations affranchies, et confondons toutes nos âmes dans ce cri formidable digne du genre humain et du ciel : vive la liberté ! Oui, puisque l’Amérique, hélas ! lugubrement conservatrice de la servitude, penche vers la nuit, que l’Europe se rallume ! Oui, que cette civilisation de l’ancien continent, qui a aboli la superstition par Voltaire, l’esclavage par Wilberforce, l’échafaud par Beccaria, que cette civilisation aînée reparaisse dans son rayonnement désormais inextinguible, et qu’elle élève au-dessus des hommes son vieux phare composé de ces trois grandes flammes, la France, l’Angleterre et l’Italie ! (Acclamations.)

Messieurs, encore un mot. Ne quittons pas cette Sicile sans lui jeter un dernier regard. Concluons.

Quelle est la résultante de cette épopée splendide ? Que se dégage-t-il de tout ceci ? Une loi morale, une loi auguste ; et cette loi, la voici :

La force n’existe pas.