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de Charles IX, vous n’aurez plus peut-être ni Charles IX ni Néron. À la minute même ou l’héritier du droit divin saisit le sceptre, il voit venir à lui ces deux vampires, Ajossa et Maniscalco, que l’histoire connaît, qui s’appellent ailleurs Narcisse et Pallas, ou Villeroy et Bachelier ; ces spectres s’emparent du triste enfant couronné ; la torture lui affirme qu’elle est le gouvernement, la bastonnade lui déclare qu’elle est l’autorité, la police lui dit : je viens d’en haut ; on lui montre d’où il sort ; on lui rappelle son bisaïeul Ferdinand Ier celui qui disait : le monde est régi par trois F, Festa, Farina, Força[1], son aïeul François Ier, l’homme des guets-apens, son père Ferdinand II, l’homme des mitraillades ; voudra-t-il renier ses pères ? On lui prouve qu’il doit être féroce par piété filiale ; il obéit ; l’abrutissement du pouvoir absolu le stupéfie ; et c’est ainsi qu’il y a des enfants monstrueux ; et c’est ainsi que fatalement, hélas ! les jeunes rois continuent les vieilles tyrannies. (Mouvement prolongé.)

Il fallait délivrer ce peuple ; je dirais presque, il fallait délivrer ce roi. Garibaldi s’en est chargé. (Bravos.)

Garibaldi. Qu’est-ce que c’est que Garibaldi ? C’est un homme, rien de plus. Mais un homme dans toute l’acception sublime du mot. Un homme de la liberté ; un homme de l’humanité. Vir, dirait son compatriote Virgile.

A-t-il une armée ? Non. Une poignée de volontaires. Des munitions de guerre ? Point. De la poudre ? Quelques barils à peine. Des canons ? Ceux de l’ennemi. Quelle est donc sa force ? qu’est-ce qui le fait vaincre ? qu’a-t-il avec lui ? L’âme des peuples. Il va, il court, sa marche est une traînée de flamme, sa poignée d’hommes méduse les régiments, ses faibles armes sont enchantées, les balles de ses carabines tiennent tête aux boulets de canon ; il a avec lui la Révolution, et, de temps en temps, dans le chaos de la bataille, dans la fumée, dans l’éclair, comme si c’était un héros d’Homère, on voit derrière lui la déesse. (Acclamation.)

Quelque opiniâtre que soit la résistance, cette guerre est surprenante par sa simplicité. C’est l’assaut donné par un

  1. Fête, farine, fourche (potence.)