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membre est broyé ; cela se nomme « la machine angélique ». Un autre suspend un homme à deux anneaux par les bras à un mur, par les pieds au mur de face ; cela fait, il saute sur l’homme et le disloque. Il y a les poucettes qui écrasent les doigts de la main ; il y a le tourniquet serre-tête, cercle de fer comprimé par une vis, qui fait sortir et presque jaillir les yeux. Quelquefois on échappe ; un homme, Casimiro Arsimano, s’est enfui ; sa femme, ses fils et ses filles ont été pris et assis à sa place sur le fauteuil ardent. Le cap Zafferana confine à une plage déserte ; sur cette plage des sbires apportent des sacs ; dans ces sacs il y a des hommes ; on plonge le sac sous l’eau et on l’y maintient jusqu’à ce qu’il ne remue plus ; alors on retire le sac et l’on dit à l’être qui est dedans : avoue ! S’il refuse, on le replonge. Giovanni Vienna, de Messine, a expiré de cette façon. À Monreale, un vieillard et sa fille étaient soupçonnés de patriotisme ; le vieillard est mort sous le fouet ; sa fille, qui était une femme grosse, a été mise nue et est morte sous le fouet. Messieurs, il y a un jeune homme de vingt ans qui fait ces choses-là. Ce jeune homme s’appelle François II. Cela se passe au pays de Tibère. (Acclamations.)

Est-ce possible ? c’est authentique. La date ? 1860. L’année où nous sommes. Ajoutez à cela le fait d’hier, Palerme écrasée d’obus, noyée dans le sang, massacrée ; ― ajoutez cette tradition épouvantable de l’extermination des villes qui semble la rage maniaque d’une famille, et qui dans l’histoire débaptisera hideusement cette dynastie et changera Bourbon en Bomba. (Hourras.)

Oui, un jeune homme de vingt ans commet toutes ces actions sinistres. Messieurs, je le déclare, je me sens pris d’une pitié profonde en songeant à ce misérable petit roi. Quelles ténèbres ! C’est à l’âge où l’on aime, où l’on croit, où l’on espère, que cet infortuné torture et tue. Voilà ce que le droit divin fait d’une malheureuse âme. Le droit divin remplace toutes les générosités de l’adolescence et du commencement par les décrépitudes et les terreurs de la fin ; il met la tradition sanguinaire comme une chaîne sur le prince et sur le peuple ; il accumule sur le nouveau venu du trône les influences de famille, choses terribles ! Ôtez Agrippine de Néron, défalquez Catherine de Médicis