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Quel leurre viendrez-vous offrir à cette illustre et généreuse nation ? quel coup d’ongle préméditez-vous contre la liberté anglaise ? arriveriez-vous plein de promesses comme en France en 1848 ? changeriez-vous la pantomime ? mettrez-vous la main sur votre cœur pour l’alliance anglaise de la même façon que vous l’y mettiez pour la république ? sera-ce toujours l’habit boutonné, la plaque sur l’habit, la main sur la plaque, l’accent ému, l’œil humide ? quelle parole la plus sacrée allez-vous jurer ? quelle affirmation de fidélité éternelle, quel engagement inviolable, quelle protestation portant votre exergue, quel serment frappé à votre effigie allez-vous mettre en circulation ici, vous, le faux monnayeur de l’honneur !

Qu’est-ce que vous apporteriez à cette terre ? Cette terre est la terre de Thomas Morus, de Hampden, de Bradshaw, de Shakespeare, de Milton, de Newton, de Watt, de Byron, et elle n’a pas besoin d’un échantillon de la boue du boulevard Montmartre. Vous venez chercher une jarretière ? En effet, c’est jusque-là que vous avez du sang.

Je vous dis de ne pas venir. Vous ne seriez pas à votre place ici. Regardez. Vous voyez bien que ce peuple est libre. Vous voyez bien que ces gens-là vont et viennent, lisent, écrivent, interrogent, pensent, crient, se taisent, respirent, comme bon leur semble. Cela ne ressemble à rien de ce que vous connaissez. Vous aurez beau regarder les collets d’habit, vous n’y trouverez pas le pli que donne le poing du gendarme. Non, vraiment, vous ne seriez pas chez vous. Vous seriez dans un air irrespirable pour vous. Vous voyez bien qu’il n’y a pas de janissaires ici, pas plus de janissaires prêtres que de janissaires soldats ; vous voyez bien qu’il n’y pas d’espions ; vous voyez bien qu’il n’y a pas de jésuites ; vous voyez bien que les juges rendent la justice !

La tribune parle, les journaux parlent, la conscience publique parle ; il y a du soleil en ce pays. Vous voyez bien qu’il fait jour, aigle ! que venez-vous faire ici ?

Si vous voulez savoir, alliance à part, ce que ce peuple pense de vous, lisez ses vrais journaux, ses journaux d’il y a deux ans.

Visiterez-vous Londres, habillé en empereur et en gé-