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parjure du 2 et de la boucherie du 4. On ne peut pas dire d’elle du moins qu’elle est bâtarde. Elle a une mère, la trahison, et un père, le massacre. Voyez ces deux choses qui aujourd’hui se touchent comme les deux doigts de la main de justice divine, le guet-apens de 1851 et la calamité de 1855, la catastrophe de Paris et la catastrophe de l’Europe. M. Bonaparte est parti de ceci pour arriver à cela.

Je sais bien qu’on me dit, je sais bien que M. Bonaparte me dit et me fait dire par ses journaux : ― Vous n’avez à la bouche que le Deux-Décembre ! Vous répétez toujours ces choses-là ! ― À quoi je réponds : ― Vous êtes toujours là !

Je suis votre ombre.

Est-ce ma faute à moi si l’ombre du crime est un spectre ?

Non ! non ! non ! non ! ne nous taisons pas, ne nous lassons pas, ne nous arrêtons pas. Soyons toujours là, nous aussi, nous qui sommes le droit, la justice et la réalité. Il y a maintenant au-dessus de la tête de Bonaparte deux linceuls, le linceul du peuple et le linceul de l’armée, agitons-les sans relâche. Qu’on entende sans cesse, qu’on entende à travers tout, nos voix au fond de l’horizon ! ayons la monotonie redoutable de l’océan, de l’ouragan, de l’hiver, de la tempête, de toutes les grandes protestations de la nature.

Ainsi, citoyens, une bataille à outrance, une fuite sans fond de toutes les forces vives, un écroulement sans limites, voilà où en est cette malheureuse société du passé qui s’était crue sauvée en effet parce qu’un beau matin elle avait vu un aventurier, son conquérant, confier l’ordre au sergent de ville et l’abrutissement au jésuite !

Cela est en bonnes mains, avait-elle dit.

Qu’en pense-t-elle maintenant ?

Ô peuples, il y a des hommes de malédiction. Quand ils promettent la paix, ils tiennent la guerre ; quand ils promettent le salut, ils tiennent le désastre ; quand ils promettent la prospérité, ils tiennent la ruine ; quand ils promettent la gloire, ils tiennent la honte ; quand ils prennent la couronne de Charlemagne, ils mettent dessous le crâne d’Ezzelin ; quand ils refont la médaille de César, c’est avec le profil de Mandrin ; quand ils recommen-