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N’importe. Ce qui est dans les choses ne peut point n’en pas sortir. Les situations ont leur logique qui finit toujours par avoir le dernier mot. La guerre en Pologne, c’est-à-dire, pour employer le mot transparent adopté par le cabinet anglais, un système d’agression franchement continental, est désormais inévitable. C’est l’avenir immédiat. Au moment où je parle, lord Palmerston en cause aux Tuileries avec M. Bonaparte. Et, citoyens, ce sera là ma dernière parole, la guerre en Pologne, c’est la révolution en Europe.

Ah ! que la destinée s’accomplisse !

Ah ! que la fatalité soit sur ces hommes, sur ces bourreaux, sur ces despotes, qui ont arraché à tant de peuples, à tant de nobles peuples leurs sceptres de nations ! ― Je dis le sceptre, et non la vie. ― Car, proscrits, comme il faut le répéter sans cesse pour consterner les lâchetés et pour relever les courages, la mort apparente des peuples, si livide qu’elle soit, si glacée qu’elle semble, est un avatar et couvre le mystère d’une incarnation nouvelle. La Pologne est dans le sépulcre, mais elle a le clairon à la main ; la Hongrie est sous le suaire, mais elle a le sabre au poing ; l’Italie est dans la tombe, mais elle a la flamme au cœur ; la France est dans la fosse, mais elle a l’étoile au front. Et, tous les signes nous l’annoncent, au printemps prochain, au printemps, heure des résurrections comme le matin est l’heure des réveils, amis, toute la terre frémira d’éblouissement et de joie, quand, se dressant subitement, ces grands cadavres ouvriront tout à coup leurs grandes ailes !