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sans doute la chute prochaine, persiste à reculer devant M. Bonaparte. M. Bonaparte ne veut pas tomber de M. Mastaï à M. Sibour ; et il en résulte qu’il n’est pas sacré et qu’il ne le sera pas ; car, à travers tout ceci, la providence rit de son rire terrible.

Je viens d’exposer la situation, citoyens. À présent, ― et c’est par là que je veux terminer, et ceci me ramène à l’objet spécial de cette solennelle réunion, ― cette situation, si grave pour les deux grands peuples, car l’Angleterre y joue son commerce et l’orient, car la France y joue son honneur et sa vie, cette situation redoutable, comment en sortir ? La France a un moyen : se délivrer, chasser le cauchemar, secouer l’empire accroupi sur sa poitrine, remonter à la victoire, à la puissance, à la prééminence, par la liberté. L’Angleterre en a un autre, finir par où elle aurait dû commencer ; ne plus frapper le czar au talon de sa botte, comme elle le fait en ce moment, mais le frapper au cœur, c’est-à-dire soulever la Pologne. Ici, à cette même place, il y a un an précisément aujourd’hui, je donnais à l’Angleterre ce conseil, vous vous en souvenez. À cette occasion, les journaux qui soutiennent le cabinet anglais m’ont qualifié d’ « orateur chimérique », et voici que l’événement confirme mes paroles. La guerre en Crimée fait sourire le czar, la guerre en Pologne le ferait trembler. Mais la guerre en Pologne, c’est une révolution ? Sans doute. Qu’importe à l’Angleterre ? Qu’importe à cette grande et vieille Angleterre ? Elle ne craint pas les révolutions, ayant la liberté. Oui, mais M. Bonaparte, étant le despotisme, les craint, lui, et il ne voudra pas ! C’est donc à M. Bonaparte, et à sa peur personnelle des révolutions, que l’Angleterre sacrifie ses armées, ses flottes, ses finances, son avenir, l’Inde, l’Orient, tous ses intérêts. Avais-je tort de le dire il y a deux mois ? pour l’Angleterre, l’alliance de M. Bonaparte n’est pas seulement une diminution morale, c’est une catastrophe.

C’est l’alliance de M. Bonaparte qui depuis un an fait faire fausse route à tous les intérêts anglais dans la guerre d’orient. Sans l’alliance de M. Bonaparte, l’Angleterre aurait aujourd’hui un succès en Pologne, au lieu d’un échec, d’un désastre peut-être, en Crimée.