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qu’ils appellent auguste avec tout ce que nous appelons infâme ; mariage hideux et splendide ; sous leurs pieds est la fanfare ; toutes les trahisons et toutes les lâchetés chantent l’épithalame. Oui, les despotes triomphent ; oui, les despotes rayonnent ; oui, eux et leurs sbires, eux et leurs complices, eux et leurs courtisans, eux et leurs courtisanes, ils sont fiers, heureux, contents, gorgés, repus, glorieux ; mais qu’est-ce que cela fait à la justice éternelle ? Nations opprimées, l’heure approche. Regardez bien cette fête ; les lampions et les lustres sont allumés, l’orchestre ne s’interrompt pas ; les panaches et l’or et les diamants brillent ; la valetaille en uniforme, en soutane ou en simarre se prosterne ; les princes vêtus de pourpre rient et se félicitent ; mais l’heure va sonner, vous dis-je ; le fond de la salle est plein d’ombre ; et, voyez, dans cette ombre, dans cette ombre formidable, la Révolution, couverte de plaies, mais vivante, bâillonnée, mais terrible, se dresse derrière eux, l’œil fixé sur vous, peuples, et agite dans ses deux mains sanglantes au-dessus de leurs têtes des poignées de haillons arrachées aux linceuls des morts !