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Nous sommes calmes devant cela. Mais qu’on ne se méprenne pas sur notre pensée. Nous, hommes de France, nous aimons les hommes d’Angleterre ; les lignes jaunes ou vertes dont on barbouille les mappe-mondes n’existent pas pour nous ; nous républicains-démocrates-socialistes, nous répudions en même temps que les clôtures de caste à caste ces préjugés de peuple à peuple sortis des plus misérables ténèbres du vieil aveuglement humain ; nous honorons en particulier cette noble et libre nation anglaise qui fait dans le labeur commun de la civilisation un si magnifique travail ; nous savons ce que vaut ce grand peuple qui a eu Shakespeare, Cromwell et Newton ; nous sommes cordialement assis à son foyer, sans lui rien devoir, car c’est notre présence qui fait son honneur ; en fait de concorde, puisque c’est là la question, nous allons bien au delà de tout ce que rêvent les diplomaties, nous ne voulons pas seulement l’alliance de la France avec l’Angleterre ; nous voulons l’alliance de l’Europe avec elle-même, et de l’Europe avec l’Amérique, et du monde avec le monde ! nous sommes les ennemis de la guerre ; nous sommes les souffre-douleurs de la fraternité ; nous sommes les agitateurs de la lumière et de la vie ; nous combattons la mort qui bâtit les échafauds et la nuit qui trace les frontières ; pour nous il n’y a dès à présent qu’un peuple comme il n’y aura dans l’avenir qu’un homme ; nous voulons l’harmonie universelle dans le rayonnement universel ; et nous tous qui sommes ici, tous ! nous donnerions notre sang avec joie pour avancer d’une heure le jour où sera donné le sublime baiser de paix des nations !

Donc que les amis de l’alliance anglo-française ne prennent pas le change sur mes paroles. Plus que qui que ce soit, j’y insiste, nous républicains, nous voulons ces alliances ; car, je le répète, l’union parmi les peuples, et, plus encore, l’unité dans l’humanité, c’est là notre symbole. Mais ces unions, nous les voulons pures, intimes, profondes, fécondes ; morales pour qu’elles soient réelles, honnêtes pour qu’elles soient durables ; nous les voulons fondées sur les intérêts sans nul doute, mais fondées plus encore sur toutes les fraternités du progrès et de la liberté ; nous voulons qu’elles soient en quelque sorte la résultante d’une