Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous ces criminels la mort fut commuée en déportation. Pour obtenir ces grâces, à ces diverses époques, il a suffi d’une pétition des habitants de l’île.

J’ajoute qu’en 1851 on se borna également à déporter Edward Carlton, qui avait assassiné sa femme dans des circonstances horribles.

Voilà ce qui s’est passé depuis quinze ans dans l’île d’où je vous écris.

Par suite de tous ces faits significatifs, on a effacé les scellements du gibet sur le vieux Mont-Patibulaire de Saint-Hélier, et il n’y a plus de bourreau à Jersey.

Maintenant quittons Jersey et venons à Guernesey.

Tapner, assassin, incendiaire et voleur, est condamné à mort. À l’heure qu’il est, monsieur, et au besoin les faits que je viens de vous citer suffiraient à le prouver, dans toutes les consciences saines et droites la peine de mort est abolie ; Tapner condamné, un cri s’élève, les pétitions se multiplient ; une, qui s’appuie énergiquement sur le principe de l’inviolabilité de la vie humaine, est signée par six cents habitants les plus éclairés de l’île. Notons ici que, des nombreuses sectes chrétiennes qui se partagent les quarante mille habitants de Guernesey, trois ministres seulement[1] ont accordé leur signature à ces pétitions. Tous les autres l’ont refusée. Ces hommes ignorent probablement que la croix est un gibet. Le peuple criait : grâce ! le prêtre a crié : mort ! Plaignons le prêtre et passons. Les pétitions vous sont remises, monsieur. Vous accordez un sursis. En pareil cas, sursis signifie commutation. L’île respire ; le gibet ne sera point dressé. Point. Le gibet se dresse. Tapner est pendu.

Après réflexion.

Pourquoi ?

Pourquoi refuse-t-on à Guernesey ce qu’on avait tant de fois accordé à Jersey ? pourquoi la concession à l’une et l’affront à l’autre ? pourquoi la grâce ici et le bourreau là ? pourquoi cette différence là où il y avait parité ? quel est le sens de ce sursis qui n’est plus qu’une aggravation ?

  1. M. Pearce, M. Carey, M. Cockburn.