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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

Ah ! croyez-moi, je m’adresse à vous tous, hommes de tous les partis qui siégez dans cette enceinte, et parmi lesquels il y a sur tous ces bancs tant de cœurs élevés et tant d’intelligences généreuses, croyez-moi, je vous parle avec une profonde conviction et une profonde douleur, ce n’est pas un bon emploi de notre temps que de faire des lois comme celle-ci ! (Très bien ! c’est vrai !) Ce n’est pas un bon emploi de notre temps que de nous tendre les uns aux autres des embûches dans une pénalité terrible et obscure, et de creuser pour nos adversaires des abîmes de misère et de souffrance où nous tomberons peut-être nous-mêmes ! (Agitation.)

Mon Dieu ! quand donc cesserons-nous de nous menacer et de nous déchirer ? Nous avons pourtant autre chose à faire ! Nous avons autour de nous les travailleurs qui demandent des ateliers, les enfants qui demandent des écoles, les vieillards qui demandent des asiles, le peuple qui demande du pain, la France qui demande de la gloire ! (Bravo ! à gauche. — On rit à droite.)

Nous avons une société nouvelle à faire sortir des entrailles de la société ancienne, et, quant à moi, je suis de ceux qui ne veulent sacrifier ni l’enfant ni la mère. (Mouvement.) Ah ! nous n’avons pas le temps de nous haïr ! (Nouveau mouvement.)

La haine dépense de la force, et, de toutes les manières de dépenser de la force, c’est la plus mauvaise. (Très bien ! bravo !) Réunissons fraternellement tous nos efforts, au contraire, dans un but commun, le bien du pays. Au lieu d’échafauder péniblement des lois d’irritation et d’animosité, des lois qui calomnient ceux qui les font (mouvement), cherchons ensemble, et cordialement, la solution du redoutable problème de civilisation qui nous est posé, et qui contient, selon ce que nous en saurons faire, les catastrophes les plus fatales ou le plus magnifique avenir. (Bravo ! à gauche.)

Nous sommes une génération prédestinée, nous touchons à une crise décisive, et nous avons de bien plus grands et de bien plus effrayants devoirs que nos pères. Nos pères n’avaient que la France à servir ; nous, nous avons la France à sauver. Non, nous n’avons pas le temps de nous