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LA DÉPORTATION.

frapper plus qu’une tête innocente, qu’elle pouvait frapper une tête divine ! (Sensation.)

Dites aux auteurs, dites aux défenseurs de ce projet, dites à ces grands politiques que ce n’est pas en faisant agoniser des misérables dans une cellule, à quatre mille lieues de leur pays, qu’ils apaiseront la place publique ; que, bien au contraire, ils créent un danger, le danger d’exaspérer la pitié du peuple et de la changer en colère. (Oui ! oui !) Dites à ces hommes d’être humains ; ordonnez-leur de redevenir chrétiens ; enseignez-leur que ce n’est pas avec des lois impitoyables qu’on défend les gouvernements et qu’on sauve les sociétés ; que ce qu’il faut aux temps douloureux que nous traversons, aux cœurs et aux esprits malades, ce qu’il faut pour résoudre une situation qui résulte surtout de beaucoup de malentendus et de beaucoup de définitions mal faites, ce ne sont pas des mesures de représailles, de réaction, de rancune et d’acharnement, mais des lois généreuses, des lois cordiales, des lois de concorde et de sagesse, et que le dernier mot de la crise sociale où nous sommes, je ne me lasserai pas de le répéter, non ! ce n’est pas la compression, c’est la fraternité ; car la fraternité, avant d’être la pensée du peuple, était la pensée de Dieu ! (Nouvelles acclamations.)

Vous vous taisez ! — Eh bien ! je continue. Je m’adresse à vous, messieurs les ministres, je m’adresse à vous, messieurs les membres de la commission. Je presse de plus près encore l’idée de votre citadelle, ou de votre forteresse, puisqu’on choque votre sensibilité en appelant cela une citadelle. (On rit.)

Quand vous aurez institué ce pénitentiaire des déportés, quand vous aurez créé ce cimetière, avez-vous essayé de vous imaginer ce qui arriverait là-bas ? Avez-vous la moindre idée de ce qui s’y passera ? Vous êtes-vous dit que vous livriez les hommes frappés par la justice politique à l’inconnu et à ce qu’il y a de plus horrible dans l’inconnu ? Êtes-vous entrés avec vous-mêmes dans le détail de tout ce que renferme d’abominable cette idée, cette affreuse idée de la réclusion dans la déportation ? (Murmures à droite.)

Tenez, en commençant, j’ai essayé de vous indiquer et