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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

le dire, et je crois l’avoir prouvé, autant que qui que ce soit, je repousse et je condamne, sous un régime de suffrage universel, les actes de rébellion et de désordre, les recours à la force brutale. Ce qui convient à un grand peuple souverain de lui-même, à un grand peuple intelligent, ce n’est pas l’appel aux armes, c’est l’appel aux idées. (Sensation.) Pour moi, et ce doit être, du reste, l’axiome de la démocratie, le droit de suffrage abolit le droit d’insurrection. C’est en cela que le suffrage universel résout et dissout les révolutions. (Applaudissements.)

Voilà le principe, principe incontestable et absolu ; j’y insiste. Pourtant, je dois le dire, dans l’application pénale, les incertitudes naissent. Quand de funestes et déplorables violations de la paix publique donnent lieu à des poursuites juridiques, rien n’est plus difficile que de préciser les faits et de proportionner la peine au délit. Tous nos procès politiques l’ont prouvé.

Quoi qu’il en soit, la société doit se défendre. Je suis sur ce point pleinement d’accord avec vous. La société doit se défendre, et vous devez la protéger. Ces troubles, ces émeutes, ces insurrections, ces complots, ces attentats, vous voulez les empêcher, les prévenir, les réprimer. Soit ; je le veux comme vous.

Mais est-ce que vous avez besoin d’une pénalité nouvelle pour cela ? Lisez le code. Voyez-y la définition de la déportation. Quel immense pouvoir pour l’intimidation et pour le châtiment !

Tournez-vous donc vers la pénalité actuelle ! remarquez tout ce qu’elle remet de terrible entre vos mains !

Quoi ! voilà un homme, un homme que le tribunal spécial a condamné ! un homme frappé pour le plus incertain de tous les délits, un délit politique, par la plus incertaine de toutes les justices, la justice politique !… (Rumeurs à droite. — Longue interruption.)

Messieurs, je m’étonne de cette interruption. Je respecte toutes les juridictions légales et constitutionnelles ; mais quand je qualifie la justice politique en général comme je viens de le faire, je ne fais que répéter ce qu’a dit dans tous les siècles la philosophie de tous les peuples, et je ne suis que l’écho de l’histoire.