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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

membres de la commission, les honorables chefs de la majorité se récrient et disent : — Il n’est pas question de cela le moins du monde. Il y a une lacune dans le code pénal, on veut la remplir, rien de plus ; on veut simplement remplacer la peine de mort. — N’est-ce pas ? C’est bien là ce qu’on a dit ? On veut donc simplement remplacer la peine de mort, et comment s’y prend-on ? On combine le climat… Oui, quoi que vous fassiez, messieurs, vous aurez beau chercher, choisir, explorer, aller des Marquises à Madagascar, et revenir de Madagascar aux Marquises, aux Marquises, que M. l’amiral Bruat appelle le tombeau des européens, le climat du lieu de déportation sera toujours, comparé à la France, un climat meurtrier, et l’acclimatement, déjà très difficile pour des personnes libres, satisfaites, placées dans les meilleures conditions d’activité et d’hygiène, sera impossible, entendez-vous bien ? absolument impossible pour de malheureux détenus. (C’est vrai !)

Je reprends. On veut donc simplement remplacer la peine de mort. Et que fait-on ? On combine le climat, l’exil et la prison. Le climat donne sa malignité, l’exil son accablement, la prison son désespoir ; au lieu d’un bourreau on en a trois. La peine de mort est remplacée. (Profonde sensation.) Ah ! quittez ces précautions de paroles, quittez cette phraséologie hypocrite ; soyez du moins sincères, et dites avec nous : La peine de mort est rétablie ! (Bravo ! à gauche.)

Oui, rétablie ; oui, c’est la peine de mort ! et, je vais vous le prouver tout à l’heure, moins terrible en apparence, plus horrible en réalité ! (C’est vrai ! c’est cela.)

Mais, voyons, discutons froidement. Apparemment vous ne voulez pas faire seulement une loi sévère, vous voulez faire aussi une loi exécutable, une loi qui ne tombe pas en désuétude le lendemain de sa promulgation ? Eh bien ! pesez ceci :

Quand vous déposez un excès de sévérité dans la loi, vous y déposez l’impuissance. (Oui ! oui ! c’est vrai !) Vouloir faire rendre trop à la sévérité de la loi, c’est le plus sûr moyen de ne lui faire rendre rien. Savez-vous pourquoi ? C’est parce que la peine juste a, au fond de toutes